Chapitre VI

 

Analepses / Noisetier

 

 

 

 

Erwin Smith reposa son verre sur l’accoudoir élimé du canapé et ouvrit la fenêtre centrale de la pièce. Repenser à tous ces souvenirs lui donnait légèrement le tournis, ajouté à la fatigue et la liqueur. Tant d’événements s’étaient produit dès lors qu’il lui semblait parfois revisiter une vie antérieure qu’il doutait avoir vécue, si lointaine semblait-elle. Mécaniquement, il ouvrit le dernier tiroir de son bureau dans lequel résidait un fouillis indiscutable et en ressortit un petit morceau de céramique ébréché. Il le contempla en silence, le faisant lentement rouler dans sa paume.

 

De toutes les remémorations qu’il pouvait faire, la soirée du 2 septembre 846 demeurait la plus intense.

 

Il y a 8 ans, la relation des deux hommes avait été définitivement scellée, en même temps que le destin de l’humanité. Il repensa par la même occasion à l’incident survenu deux mois avant cette date cruciale et ne put s’empêcher de sourire : « Explosif … c’est bien le qualificatif adéquat entre nous »

 

 

Après le balbutiement d’une amitié naissante suite à cette nuit particulière en 845, une année supplémentaire s’était écoulée. La confiance entre les deux hommes s’était renforcée et il n’était plus rare de les croiser en tête à tête pour une discussion ou un entrainement. Etant désormais aptes à travailler ensembles sans risques de débordement, ils avaient même offert aux nouvelles recrues et leurs anciens collègues un impressionnant spectacle.

 

En effet, dans le cadre d’un renforcement des apports physiques dans les troupes et l’installation d’un meilleur équipement d’entretien corporel, des combats et démonstrations étaient organisées deux fois par mois. Le double enjeu de cette initiative était un bénéfice non négligeable pour le budget du corps armé grâce à la vente de places pour y assister et destinée à la noblesse en mal de sensations fortes tandis qu’un lucratif business parallèle régulait les paris qui étaient fait sur l’issue du combat et son vainqueur. Ces événements, sur une idée d’Erwin, permettaient d'accroître la motivation de ses hommes à progresser à travers la compétition, de renflouer les caisses du Bataillon d’Exploration et enfin, d’augmenter la visibilité de leur corps armé, leurs aptitudes et rayonnement dans l’opinion publique. Contrer l’influence toujours aussi pesante des conservateurs était un axe vital pour la pérennité de leur organe administratif et juridique .

 

Lorsque le futur commandant avait informé Livaï de son projet et son désir de le mettre en premier plan des démonstrations, celui-ci avait immédiatement protesté :

 

- Tu te fous de moi ? Ma réputation n’est pas déjà assez pesante pour le Bataillon, tu veux pas non plus que je raconte mes faits d’armes personnels ? T’es sérieux là.. ? 

 

-  Justement. Les rumeurs à ton sujet sont nombreuses mais le grand public ne connait pas ton visage. Nous avons besoin de figures fortes pour asseoir une histoire commune et ma propre image n’est pas encore construite. Représenter notre force d’action à travers des profils existants est primordial pour susciter des vocations d’engagement chez les jeunes générations.

 

-  Je ne suis pas présentable et tu le sais. Tu me places sur des démonstrations pure mais je te préviens, aucun discours ni échanges de ma part.

 

C’est ainsi qu’il fut décidé que la personnalité la plus attendue par les visiteurs ne combattrait pas en compétition régulière et que les paris, ne pouvant statuer autre vainqueur que lui-même, se tiendraient sur la durée d’action de ses manœuvres : plus le temps final se rapprochait des estimations, plus la mise devenait fructueuse. Un parcours grandeur nature lui avait été installé avec de nombreuses nuques de Titans à trancher, dans des configurations extrêmement complexe. Deux types de combats existaient donc pour les autres : le corps à corps et la course des nuques sur un parcours plus simple ; le temps total de chacun des compétiteurs établissant le classement. Par mesure de sécurité, Livaï était interdit de combat au corps à corps malgré les protestations des nombreux badauds qui souhaitaient s’inscrire pour tester leur force.

 

Cependant, la règle fut abrogée le jour même de l’investiture des Journées Ouvertes par son initiateur principal, à la surprise de tous. Avant le début des hostilités générales et à la fin de son discours de présentation, Erwin avait ôté son équipement tridimensionnel et sa chemise, devant le regard médusé de l’assistance. Il se dirigea ensuite sur le tapis de combat et appela d’une voix très forte et solennelle le soldat Livaï Ackerman .

 

Ce dernier, dissimulé derrière l’assistance, retenait la pulsion de fondre immédiatement sur lui pour l’assommer violemment avant de quitter cette ridicule exposition mais il soupira dans le même temps avec un petit sourire moqueur. Erwin avait, il faut le dire, bien préparé son coup. Il voulait du spectacle, initier un récit, surprendre les invités et laisser les histoires traverser les Murs ; Livaï s’en voulut presque d’avoir été assez laxiste pour ne pas anticiper une telle évidence.

 

«  Ce batard. Il veut jouer … on va jouer . »

 

Dans un silence extrêmement tendu, le jeune soldat descendit les marches des gradins en bois provisoirement installés dans la cour principale de leur quartier général, révélant enfin sa présence aux spectateurs. Aussitôt, une nuée de murmures ondoya dans les rangées tandis que les plus jeunes pointaient sa silhouette du doigt. On ne découvrit son visage que lorsqu’il se retourna enfin après avoir rejoint le chef d’escouade sur le tapis.

 

L’incrédulité du public présent était totale, la différence de gabarit entre les deux hommes étant absolument flagrante. Cette petite taille et ce faciès aux traits fins était donc le redoutable bandit issu des bas-fonds ? Ou était-ce juste une farce douteuse d’Erwin Smith pour agrémenter d’humour le début de la compétition ? Livaï Ackerman était attendu à la toute fin du tournoi pour clôturer les paris et réduire en pièces le parcours aménagé mais peut-être se présentera t’il lors de cet échange pour remplacer avec théâtralité ce jeune imposteur que voici ?

 

L’objet de toutes les théories ôtait lentement ses lanières de cuir qui lézardait son torse en fusillant du regard son supérieur, débout à quelques mètres.

 

-    T’es fier de toi hein ? J’suis ta vache à lait putin, t’as aucun scrupules . T’es conscient que ta propre image va en prendre un coup ? Me demande pas de me retenir, j’suis mauvais comédien… 

 

-   Non, te retiens pas. Donnons notre maximum et le perdant tape trois fois le sol pour capituler. J’ai pas de limites mais évite les os du visage. Livaï … on le fera qu’une fois. 

 

« Ce mec est complètement fou ». Livaï comprenait de façon limpide ses intentions : le gratin hiérarchique de Mitras était réuni au complet pour cette première session inédite ainsi que les plus grandes familles de la noblesse et cette occasion ne se représentera plus lors des prochaines, il le savait. Il fallait frapper fort et immédiatement, dès l’ouverture. Initialement, Erwin était censé combattre Mike qui est d’un niveau plus ou moins égal mais le succès des ventes avait du modifier sa stratégie de communication. En répandant le message que tout milieu social était admis dans le Bataillon, et ce même avec des antécédents judiciaires, le futur commandant élargissait les possibilités d’adhésion : les postulants de ce Bataillon considéré comme suicidaire dans l’opinion doivent être prêts à sacrifier leur vie sans attaches personnelles ni peur et cette caractéristique était assez commune chez les repris de justice. Sans vouloir non plus attirer tous les chiens fous des Murs, il souhaitait tout de même grossir les rangs au maximum et la vision d’un ancien bandit mettant au tapis son supérieur sans répercussions pourrait y participer. Aucun détail exploitable n’échappait à Erwin Smith, pas même les plus petits ou subtils.

 

Livaï repensa aux caissons que ce dernier avait demandé à positionner aux pieds des façades extérieures de la cour le matin même, sans justifications ou explications supplémentaires. Il tourna la tête vers leurs extrémités surplombant la cour et voyait désormais une cinquantaine de visages en dépasser, dans une discrétion toute relative. Erwin voulait atteindre l’opinion publique par tous les moyens, même pour les curieux de l’autre côté de la rue qui ne pouvaient se payer un ticket. Livaï salua intérieurement son intelligent dévouement à ce corps armé et ses aptitudes qui dépassaient largement celle requise chez un simple chef d’escouade. Il fixa furtivement sa silhouette tandis qu’il ôtait le dernier bouton de sa chemise et ressentit à nouveau chez lui ce pressentiment très intense de motivations personnelles et intimes dissimulées chez son adversaire du jour. Il lui tardait de connaitre la vérité sur son supérieur.

 

Les deux hommes se faisaient désormais face, les poings légèrement relevés au niveau du visage, concentrés. Plus un seul bruit n’était perceptible dans la cour . Leurs pupilles se rencontrèrent, intenses puis, comme un coup d’envoi entendu et silencieux, ils commencèrent à agiter les jambes pour se rendre mobile : le combat débutait. 

 

Agile et rapide, Livaï anticipait les mouvements d’Erwin avec une longueur d’avance déconcertante. En parallèle, un inconfort inhabituel était palpable dans son regard qui furetaient de droite à gauche : se donner en spectacle et être le centre de l’attention lui était insupportable.

 

Tout particulièrement dans cette situation, face à cette absurde hypocrisie. Ces gens bien nés exécraient les personnes issues de son milieu et il se sentait désormais grotesque, comme une bête de foire derrière les barreaux.

 

Il lui semblait entendre à voix haute chaque pensée, chaque commentaire formulé. L’issue du combat mènerait ensuite à des exclamations de peur et d’admiration mal placée pour cet homme méprisé quelques minutes plus tôt.

 

Ce serait ça, le plus difficile pour lui…résister à l’envie de tout briser, de déformer ces multiples visages qui se pensent protégés et supérieurs en tout temps, d’arracher ces yeux béants de surprise et de respect nouveau. Il préférait de loin l’indifférence, l’insulte ou la défensive quotidienne de ces individus qu’ils méprisaient également, que leur amabilité de circonstance.

 

Erwin devina la volonté de son adversaire d’abréger le combat au plus vite. Entre deux aller-retour de l’assistance au tapis, il captura l’attention de Livaï avec un regard appuyé. Celui-ci le soutint avec défiance. «  Il ne peut pas attendre autant de moi… » pensa t’il , « et il doit le comprendre aujourd’hui . Tant pis pour son show »

 

Le plus jeune fondit brutalement sur la silhouette imposante du grand homme blond et le fit reculer en dehors du tapis, sur la terre battue et cahoteuse de la cour. D’une main tendue, il cogna en biais la trachée d’Erwin et son buste plongea pour éviter le crochet du gauche qui se préparait. De son poing libre, il harponna douloureusement l’abdomen de son supérieur puis d’un violent coup de pied, il frappa le côté latéral de sa cuisse. Le genou gauche d’Erwin ne put retenir son corps davantage, toucha le tapis et Livaï fit alors pleuvoir quatre coups supplémentaires d’une technicité rare et d’une rapidité impressionnante.

 

Ce dernier recula pour laisser son adversaire qui gisait au sol reprendre son souffle, ignorant les cris de l’assemblée et les visages interdits des soldats qui encadraient le combat. La vision de cette figure d’autorité réduite à cette position vulnérable les déstabilisaient tous. C’est alors que le visage d’Erwin ressurgit de sa poitrine puis ses deux bras puissants relevèrent son buste tant bien que mal. Les ecchymoses apparaissaient lentement sur son torse, ajouté à la poussière du sol. Il regarda intensément Livaï pour lui communiquer un fait simple « Tu ne veux pas m’aider autrement qu’en dehors des Murs, soit. Ce sera alors à moi de systématiquement me relever, quoi qu’il m’en coûte. La détermination d’un soldat face à l’impartialité de la force. Allons-y »

 

Livaï comprit le message et soupira. Le combat ne finirait pas tout de suite, Erwin allait le pousser à montrer son vrai degré de violence, l’obligeant ainsi à prendre part à cette comédie. Une nouvelle série d'enchaînement redoutables suivit et cette fois, la pommette saillante du Chef d’escouade s’ouvrit. Un soldat sur sa droite eu le réflexe de vouloir l’aider à se relever et fût sèchement rabroué. Livaï observait son torse bleuie et sa mâchoire blessée, devant reconnaître la témérité d’Erwin. Le troisième tour débuta.

 

La seule arme que pouvait posséder le gradé face à ce soldat unique en son genre était la déstabilisation. C’est ainsi que, contre tout attente, lorsque Livaï amorça un coup dans ses côtes, Erwin abandonna sa garde pour saisir d’une poigne ferme et puissante la gorge musclée mais fine de son adversaire. Livaï hoqueta de surprise et suffoqua rapidement. Il n’avait pas encore expérimenté la force réelle de son supérieur, ce dernier n’ayant jusqu’alors jamais réussit à l’atteindre ou soutenir ses coups. C’est avec appréhension qu’il réalisa davantage qu’Erwin avait un corps très développé, des muscles travaillés et une stature redoutable, en dépit de son niveau de combat inférieur au sien.

 

 

Son cou saillant était comprimé entre ses doigts épais et fermes et la tête lui tourna quelques secondes. Son corps peu à peu reculait et ployait sous le manque d’oxygène.

 

Son regard trouble et agonisant croisa celui d’Erwin.

 

« Il plaisante pas…bordel il donne tout ce qu’il a. Il est prêt à franchir la ligne... »

 

Mais le gradé, dans cette action désespérée, avait pris un risque énorme qu’il allait désormais payer : sa garde droite n’était plus, avec un champ désormais dangereusement libre. La scène fut si rapide qu’il fallut plusieurs secondes aux spectateurs pour comprendre que la silhouette gisant au sol était celle de l’adversaire dominant le combat une seconde plus tôt. Mike se précipita aux côtés d’Erwin qui crachait désormais du sang en abondance autour de lui.

 

 

Il s’apprêtait à faire signe à l’équipe médicale d’intervenir et clôturer le combat lorsque l’assemblée s’agita : son bras avait été retenu par la main ensanglantée de son ami de toujours. Dans un spasme violent, Erwin articula quelques mots à l’oreille tendue de Mike et celui-ci, après protestations, renonça à le relever et retourna dans l’assistance.

 

De ce combat ressortirait indubitablement deux histoires bien distinctes : d’un côté la découverte du soldat Livaï Ackerman, de l’autre l’incroyable endurance et indiscutable ferveur d’Erwin Smith.

 

Il fallut une minute et trente sept secondes au futur Commandant pour se redresser de toute son échine et faire face à l’homme devant lui, sous l’acclamation du public. Ses iris claires traversèrent les prunelles voilées de Livaï et un frisson étrange parcouru ce dernier. « Pour un putin de spectacle…tu veux que je te monte en l’air gratuitement ? Espèce de taré »

 

L’ancien criminel était maintenant mal à l’aise et agacé. Il avait fait de son corps une arme froide et imperturbable pour survivre dans les bas-fonds mais n’appréciait pas les démonstrations de force qu’il jugeait d’origine médiocres et vaines ; ce n’était pas à leur hauteur. Pour la première fois, il ignora si c’était le fait qu’il s’agissait d’Erwin ou de sa propre représentation, mais il commençait à déprécier l’idée de le blesser davantage, jusqu’à son épuisement le plus total. Tout à coup, cette réflexion poussa son malaise à son paroxysme et déclencha chez lui une vive colère. 

 

Tout se mélangea : l’impression de trahir Furlan et Isabel avec ce sentiment d’empathie pour Erwin, son désir brûlant jadis de le tuer qui causa indirectement la mort de ses amis et soulignait encore plus l’absurdité d’une telle pensée aujourd’hui… mais aussi ces regards d’aristocrates effrayés braqués sur lui aujourd’hui, ces quelques femmes du premier rang gourmandes de testostérones, le corps meurtri qui se tenait devant lui, ce soleil de plomb, sa gorge douloureuse dans laquelle il sentait pulser son pouls… enfin, cette sensation de se noyer. Dans les abysses obscures de sa nature profonde, sans possibilité de hurler.

 

Avant qu’il ne le réalise complètement, le combat avait prit fin : il avait subitement porté le coup de grâce avec une agilité silencieuse et déconcertante. Aucun son n’était venu, aucune agitation inutile employée. Son regard froid et distant avait glacé l’assistance qui le vit se retourner et quitter les lieux rapidement sans un regard pour l’homme inconscient effondré sur le tapis.

 

 

Un malaise général et intense apparut dans les gradins et les spectateurs clandestins au niveau de la rue applaudirent bruyamment. L'événement devait prendre fin cinq heures plus tard et le parcours prévu pour Livaï fût annulé, ce dernier refusant d’y participer.

 

Erwin, évanoui à l’issue de leur face à face, s’était réveillé quelques instants plus tard et continuait de se reposer à l’infirmerie pour être en mesure de se présenter au discours de clôture.

 

~

 

C’est une heure avant son dernier passage qu’il put marcher à nouveau, aidé de Mike pour l’épauler. Retourné assister aux combats de ses recrues, il aperçut alors la silhouette de Livaï s’engouffrer entre deux baraquements de bois dressés pour l’occasion, à l’écart des festivités. Décidé à le rejoindre seul, Mike fut congédié à l’entrée de ce corridor étroit à ciel ouvert et s’engagea à son tour entre les deux bâtisses.

 

Surpris, Erwin y découvrit au loin le soldat assis sur le sol terreux, son torse reposant contre la paroi boisée, un genou légèrement repliée et une cigarette entre ses lèvres. Il ignorait totalement que Livaï fumait. Son regard éteint fixait ses chaussures et semblait plongé dans ses pensées si bien que, fait très rare pour l’homme, il semblait ne pas avoir notifié la présence d’Erwin. Ce dernier continuait silencieusement de le dévisager. «  Sa taille et son caractère ont parfois tendance à faire oublier son âge, mais force est de constater sa maturité et virilité…. »

 

Ses doigts fins tapotaient négligemment sa cigarette et la paume anguleuse de son autre main en récupérait les cendres avant que ses lèvres ne la retienne de nouveau prisonnière sur le côté de sa bouche. Il écrasait alors mollement les petits caillots charbonneux dans ses mains avant de les rouvrir et d’en contempler silencieusement le résultat. Erwin avait déjà noté le tempérament très observateur et contemplatif de Livaï, qui semblait se perdre volontairement dans des mondes éloignés et bien plus pertinents que le leur à l’abri des regards. Ses mèches tombantes sur ses yeux gouttaient sur ses avant-bras et il portait un t-shirt et pantalon blancs impeccablement propres. Erwin en conclu que Livaï venait de sortir des douches et était revenu errer dans la cour ensoleillée pour se sécher. 

 

 

Il ressentit tout à coup un sentiment de culpabilité envers l’homme. Malgré ses vingt deux ans, Livaï avait plus de vécu et de recul sur la vie que la plupart des collègues de la promotion d’Erwin, et ce dernier commença à le considérer tout à fait comme son égal. La différence d’âge s’était gommée en même temps que le rapport hiérarchique auquel l’homme blond n’accordait déjà que peu de crédit.

 

 

Il avait face à lui un homme fort et solitaire qui se bat pour survivre, dusse t-il devenir le plus grand des criminels, assassins ou soldats. Erwin avait utilisé l’instinct de survie aiguisé de Livaï, sans égard pour sa personne ou ses considérations intimes. Le soldat s’était sûrement senti utilisé comme un vulgaire monstre, bafouant sa part d’humanité dans cette cour bondée. Peut-être Erwin avait-il été un peu trop loin ou trop vite dans sa stratégie…

 

-   Tu m’as dé-fon-cé !

 

 

 

Livaï se figea et tourna vivement son regard vers Erwin qui soutenait son corps contre la paroi du baraquement, à l’entrée du corridor. Il ne souhaitait pas le recroiser de sitôt, encore agacé de son entêtement suicidaire mais il avait été surpris de ce ton employé si détendu et comique. Il regarda, un peu décontenancé, ce visage qui arborait une expression bête et souriante parcouru de bandages ci et là. Il détourna rapidement les yeux et écrasa sa cigarette contre la semelle de sa chaussure.

 

 

- Si tu veux crever faut aller chez le psy ou te balader hors des Murs sans M3D.

 

Erwin émit un rire et clopina difficilement jusqu’à la hauteur de Livaï, au milieu du corridor. Il était content d’avoir désamorcé le dialogue qui s’annonçait difficile en adoptant un comportement juvénile. Il se laissa glisser le long de la paroi opposée à celle de Livaï, s’asseyant face à lui. Ses jambes dépliées atteignirent les bottes de Livaï, qui les décala de quelques centimètres.

 

-  Je suis désolé.

 

Le cadet fixa le plus âgé sans rien dire, son regard planté dans le sien, crispé.

 

-  J’utilise ton identité sans états d’âmes et j’en ai conscience. Tu as toujours le choix de poser tes limites comme tout à l’heure. C’est mon rôle de pousser au maximum le potentiel de mes hommes.

 

Livaï lui répondit du tac au tac :

 

-  C’est des excuses ou une justification là ? Tu sais quoi, je m’en fous. Je sais pourquoi je suis là et ce que t’attend de moi.

 

Il marqua une pause, très tendu, le fixant avec sévérité. Erwin comprit que ce n’était pas encore à son tour de parler. Le jeune brun sortit un sachet de sa poche et commença à effriter du tabac entre ses doigts, avant de replanter son regard dans le sien et de poursuivre :

 

-  Au fond… tu me respectes pas. D’une part je m’en branle, et de l’autre, rien ne t’y oblige. C’est moi qui suis coincé là. Si tu franchis la ligne, je te rappellerai à l’ordre comme tout à l’heure. Pour le reste, j’obéirai aux tiens et à ceux du corps armé.

 

Il marqua une seconde pause, intensifiant son regard perçant. Erwin n’osa pas interrompre le silence et soutint son regard en retour, le laissant finir :

 

-  Mais je te préviens, me casse pas les couilles à gratter l'amitié. Je chie droit dans mes bottes… donc tes pseudos rapprochements et ta camaraderie de vestiaire, t’écrases. Je suis ton soldat et tu me tiens par les burnes avec cet engagement, tu le sais. T’assumes ou non c’est ton problème, pas le mien. Viens plus m'faire chier Erwin.

 

Livaï avait fini de rouler sa clope tandis qu’il parlait et amorçait son départ en se relevant pour mettre fin à l’échange qui devait être le dernier entre les deux hommes. Erwin empoigna alors son avant-bras par réflexe pour le retenir mais Livaï le repoussa violemment, ajoutant avec menace et froideur «  casse-toi ».

 

 

A cet instant, Erwin ignora quel était ce sentiment pénible qui gagnait ses entrailles mais il ressentit une urgence particulière à lénifier le conflit.

 

-  Je suis sincère... […] Je suis aussi manipulateur, stratège et sans remords.

 

Livaï ralentit la cadence de sa marche.

 

- Je te présente véritablement des excuses Livaï. J’ai d’abord imaginé que me mettre à terre ne t’aurait pas été désagréable, sans penser à délibérément te pousser dans tes retranchements. J’ai manqué d’empathie je le reconnais. Ta réaction est légitime.

 

Le plus jeune des deux soldats, indifférent et lasse, reprit son chemin sans se retourner. Il s’apprêtait à tourner à l’angle du baraquement lorsqu’Erwin, dans un dernier recours, concéda d’une voix forte :

 

-  Ce n’était pas gratuit !

 

Lorsqu’il vit le visage de Livaï se retourner à nouveau dans l’allée étroite, il continua, plus doucement :

 

-  Il y a une raison spécifique à tout ceci… le rapport de confiance est également complexe de mon côté. Je te demande du temps Livaï. [ … ] Je suis désolé.

 

La silhouette de l’ancien criminel fit alors demi-tour, lentement. On y était : dans cette conversation parallèle étrange qui gravitait autour d’un sujet qu’Erwin se refusait encore à aborder. Son regard clair était intense et concentré, dans l’attente d’un tournant important, appréhendant la réaction de Livaï. Les deux hommes savaient communiquer entre les lignes…Arrivé de nouveau à sa hauteur, le cadet releva brutalement son visage et poussa durement Erwin contre la paroi du baraquement avec un bras replié contre son torse pour le bloquer. Il empoigna avec rudesse la nuque blessée d’Erwin de son autre main et fit un front contre front, très menaçant. Il siffla entre ses dents, dans un murmure :

 

-  Va falloir te presser alors… encore un coup du genre, et je réponds plus de rien.

 

Un long silence s’ensuivit, fragile et tendu, sans que leurs yeux ne se quittent. Puis Erwin, qui s’étonnait de sa propre patience avec cet animal plus proche du reptile que de l’homme, décida de désamorcer définitivement la situation. Plutôt que de le repousser, il sourit doucement à quelques centimètres de son visage :

 

-  C’est noté soldat Ackerman… et pour aujourd’hui, tu m’as déjà suffisamment latter la gueule tu crois pas ? On peut considérer ça comme un lot d’excuses mérité ?

 

Livaï le regarda encore lentement plusieurs secondes puis peu à peu, sa mâchoire se décontracta et ses mains relâchèrent la pression exercée. Erwin retomba au sol le long du mur, ses mèches blondes éparses tombant le long de son visage douloureux. En l’observant, Livaï se calma à l’idée qu’Erwin venait enfin d’avouer l’existence d’une motivation personnelle et qu’il en saurait bientôt plus. Il relâcha ses épaules et alla s’asseoir à ses côtés de façon brouillonne. Frottant les jointures de ses mains, agacé, il soupira :

 

-  Je te jure que tu me les brises.

 

Erwin rit de bon cœur et sortit son propre briquet pour allumer la cigarette de son camarade. Le ciel rougeoyant envoyait ses derniers rayons chaleureux jusqu’à eux et l’air semblait plus léger. Le début de soirée apaisait enfin toute les tensions. Les deux hommes regardaient distraitement sur leur gauche le dernier duel de la journée, en silence, épuisés. Le plus âgé relança la conversation :

 

-  Tu n’apprécies pas les corps à corps, ça se voit. Ni les combats organisés.

 

-  Hmmh. « Qui aura la plus grosse » et toutes ces conneries ça me gonfle. Là-dessous, c’était tout le temps. Que des crasseux. La sueur et les échanges de fluides corporels, ça me répugne.

 

-  Je vois. Cette manie de la propreté vient de là ?

 

-  […]

 

A cette question, Erwin observa une légère crispation nerveuse dans les mains de son locuteur et son regard s’assombrit brusquement. Il sut que Livaï ne répondrait pas et changea de sujet.

 

-  Tu serais surpris de savoir que je descendais souvent là-bas, adolescent, pour participer à des tournois illégaux. Mike et moi en avons organisé un paquet durant notre internement dans les forces armées.

 

-  Le militaire polissé joue les rebelles ?

 

-  Ahah ! Blague à part, j’aimerai pouvoir améliorer ma technique et celles des meilleurs éléments avec la tienne. Un soir, il serait bien que tu nous rejoignes.

 

-  En bas ? T’es sérieux ?

 

-  Non… on organise ça dans le bois qui juxtapose la caserne une fois par semaine. Ça permet aussi aux plus sanguins et excités des équipes d’évacuer le stress. Surtout les anciennes recrues.

 

-  C’est donc là-bas que toi et Mike allaient. Je pensais que c’était au bordel.

 

Erwin ne releva pas la provocation et poursuivit, pour l’inciter à les rejoindre :

 

-  Les interdictions d’alcool…et de tabac y sont levées. Mais certains ne les attendent pas apparemment.

 

Erwin arqua un sourcil pour appuyer son propos, rappelant ainsi à Livaï l’interdiction officielle de fumer sur le camp pour les subordonnés. Ce dernier lui répondit par un doigt d’honneur avant de lui expirer sa fumée au visage.

 

 « De la sauge, du lotus…et des feuilles de noisetier » reconnut Erwin à l’odeur.

 

~

 

Le mardi suivant cette discussion, Erwin vint chercher Livaï aux écuries pour l’inviter à sa première session. Les premières journées de juillet étaient chaudes et humides mais l’air se rafraichissait suffisamment une fois la nuit tombée pour permettre aux soldats des activités plus physiques que d’ordinaire. Livaï appréciait particulièrement cette saison et ses senteurs très distincts ; son humeur était toujours plus apaisée que le reste de l’année.

 

Les deux hommes s’enfoncèrent discrètement dans la forêt vers 22h, ils étaient les derniers à rejoindre le groupe déjà en place. Les duels s’organisaient par alternance, à intervalles de 10 minutes et par groupe de 3 duos. Les individus trop alcoolisés étaient interdits de combattre et un gradé présent était toujours tenu de tenir les sessions sans y prendre part, pour éviter les débordements. Une ambiance purement masculine y régnait et Livaï supportait mal les effluves de transpirations, proches du musc animal. Il appréciait cependant pouvoir se détendre loin des prérogatives militaires et leurs conventions : ici, tous les grades étaient revus à zéro et de jeunes hommes de 18 ans pouvaient combattre leurs supérieurs quadragénaires s’ils le désiraient.

 

Sa venue était très attendue par ses camarades et lorsqu’il prit place en tête de la file qui attendait ses consignes, le tournis lui monta furtivement à la tête. Il resta pantois quelques secondes et Erwin s’approcha derrière son oreille :

«  Tout va bien… ? » . Livaï hocha de la tête et commença à former les groupes.

 

Cette vision d’hommes prêts à se battre et le regardant d’une même direction lui rappela douloureusement sa position de chef du gang le plus violent des bas-fonds. Durant un court instant, il eut l’impression d’être revenu en arrière, à cette époque difficile mais dans laquelle ses amis étaient toujours vivants.

 

La session dura trois heures et tous s’appliquèrent à comprendre la technicité de combat du soldat Ackerman. Les coups portés lors des duels étaient réels et sans retenue car Livaï leur expliqua que seule l’adrénaline, dans les dernières secondes, nous apprend le comportement réflexe qui garantie la survie. Erwin objecta cependant que Livaï ne mette en application ses coups les plus dangereux, l’objectif étant un entrainement et non un affaiblissement général des troupes.

 

A mi-séance, une pause eut lieu. Les hommes, étendus au sol, en sueur et euphoriques de l’effort produit, buvaient goulûment leurs liqueurs tandis que les autres fumaient leurs opiacés personnels. Comme il fallait s’y attendre, les conversations convergèrent sur les femmes et la sexualité. Erwin se mit automatiquement à l’écart du groupe pour éviter d’être pris à parti et opta pour une série de pompes sur l’herbe fraîche.

 

C’est alors qu’un jeune soldat du nom de Peak, enhardi par la discussion, se tourna vers Livaï allongé à sa gauche et lui demanda au débouté : « Et vous M’sieur Ackerman, les femmes vous les aimez comment ?! Il doit vous en falloir une sacrément costaud ! (rires) »

 

Très surpris, Erwin l’entendit répondre à l’échange, d’une voix calme et désintéressée : 

 

-  A part le fait que c’est pas tes oignons gamin… j’ai pas de genre particulier. 

 

-  Mais votre dernière fois elle était comment par exemple ?

 

-  T’es gênant on te l’a déjà dit ? […] J’ai fréquenté plusieurs années une prostituée du nom de Rose. C’est tout. Va demander plus loin à tes potes leurs exploits quéquettes, c’est pas ma came.

 

Livaï se leva pour interrompre l’interrogatoire lorsqu’un autre soldat plus âgé que lui et dont il ignorait le nom, commenta à son autre collègue l’échange entendu :

 

-   Une pute pour le grand Livaï Ackerman ? Je suis étonné ! aha Avec sa popularité et un corps pareil, un bon paquet de nana s’feraient volontiers fourrer sans avoir à les payer, quel gâchis ! Les putes sont les pires et profitent de la faiblesse des hommes comme nous, elles nous monteraient d’ssus sans vergogne les yeux fermés tant qu’on crache nos soldes militaires !  

 

Ses camarades le regardèrent, affligés de sa vulgarité et son rire gras. Livaï, debout, le regarda avec froideur sans sourciller. Le soldat en question ouvrit la bouche mais le jeune brun ordonna sèchement :

 

-  Soldats, debout.

 

-  […]

 

-  Tous. En cercle autour de moi, dépêchez-vous, la pause est finie.

 

Pendant que les hommes se rabrouaient et obéissaient, Livaï désigna d’un mouvement de tête ce soldat trop bavard :

 

-   Toi. Ton nom ?

 

L’homme interpellé maugréa d’être ainsi interrogé comme une jeune recrue alors que Livaï avait moins d’ancienneté que lui et qu’ils étaient de rangs égaux.

 

-   Stanley Verbek, dans l’escouade d’Hanji.

 

-  Bien. Stanley est le prochain volontaire pour la démonstration. Cette fois, je vous laisse identifier par vous-même l’enchaînement de coups portés. Indice, ils sont au nombre de 5. Soyez attentifs.

 

Erwin s’apprêtait subitement à rompre le cercle pour éviter un dérapage imminent mais Livaï fût trop rapide.

 

C’est impuissant qu’il vit le soldat Verbek être tiré au centre sans ménagement. Le jeune homme le saisit brutalement de ses deux poings au collet de sa chemise, lui adressa discrètement un sourire narquois et le positionna pour l’affrontement. Hébété, Verbek allait protester lorsque Livaï prit de l’élan et sauta à deux mètres au-dessus du sol puis asséna un coup de pied dans sa trachée sur le flanc latéral. Il enchaîna avec un crochet du gauche dans son plexus, un coup de coude dans l’estomac et termina par un coup de tête contre son menton relevé. Stanley Verbek s’effondra au sol et Livaï le plaqua sur le ventre avec une clé de bras . Un genou posé sur son dos pour le maintenir, Livaï releva la tête et s’adressa à l’assemblée, confuse :

 

-   Vous avez bien vu ? Ou je recommence ?

 

En se relevant, il retourna le corps de Stanley sur le dos et feignit de l’enjamber pour rejoindre à nouveau le centre mais écrasa délibérément son entre-jambe avec son pied, arrachant un dernier cri au soldat agonisant.

 

-  Oups, pardon. Il désigna avec mépris les parties génitales de Verbek avec son index. Ca…c’est pas dans l’enchainement mais c’est du bonus, vous pouvez le rajouter.

 

Erwin rejoignit Livaï au centre du cercle pour le stopper mais celui-ci plaqua sa main contre son torse pour l’en dissuader et le regarda d’une façon explicite qui disait « C’est bon, je contrôle. Laisse moi finir ». Le grand blond consentit à s’écarter, observant que son ami avait malgré tout contenu l’intensité de ses coups : le soldat blessé s’en remettrait rapidement.

 

Livaï  Ackerman poursuivit alors sa leçon en marchant de façon concentrique autour du corps de Stanley, fixant dans les yeux chacun des soldats présents :

 

" Comme accessoire annexe à votre corps de combattant, vous avez aussi une queue qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser systématiquement comme le premier des connards. Le respect de l’autre c’est pas en option dans une baise d’anthologie. Seuls les puceaux vous diront le contraire. "

 

Des rires commencèrent à émaner du petit groupe réunit. D’autres acquiesçaient en silence.

 

" Rose était une prostituée des bas-fonds qui offrait sa chair pour survivre mais elle aimait aussi la poésie, la bergamote, l’odeur de l’unique boulangerie de son district et sa tenue de flanelle bleue offerte par sa tante. Elle refusait de me faire payer et je devais planquer dans ses affaires ou dans sa chambre les billets qui l’aidaient à manger. On avait le même âge. Elle chantait souvent. Elle était belle dans la poussière, lumineuse dans sa pauvreté. Je la débarrassais au quotidien des porcs sans retenue comme notre camarade Verbek qui ne savent reconnaitre où la beauté réside. Conclusion : la prostitution est une activité, pas une identité. Si vous avez d’autres questions à poser à ma bite ou ma vie sexuelle, c’est le moment. Si je pratique le 69 ou la levrette, si je jouis bruyamment ou préfère les jeux de rôles, n’hésitez pas. Autrement, je vous laisse méditer sur vos capacités au combat encore insuffisantes pour me faire des chatouilles.

 

Bonne nuit Messieurs. "

 

Une dizaine de soldats éclatèrent de rire et l’applaudirent, hilares. D’autres le saluèrent et libérèrent le passage avec sympathie. Erwin quant à lui, encore immobile et suspendu à la scène, était traversé d’un mélange étrange d’émotions. Son expression était surprise mais arborait également un franc sourire en découvrant ce côté de Livaï. Il ressentait tout à coup des sentiments qu’il ne s’expliquait pas tout à fait : une sorte de fierté d’être plus proche de cet homme que les autres et d’avoir un début de complicité avec lui ; une pudeur mêlée à un certain désir lui remuant le bas-ventre en l’imaginant faire l’amour ; une sorte de jalousie en pensant qu’une femme a pu partager son intimité si durement protégée ; une rancœur de le voir s’exprimer ouvertement aux autres hommes mêlée à l’étonnement de le découvrir si bon orateur ; et enfin, l’envie profonde de le connaitre davantage. En bout de piste de cette longue liste, il y avait la détestation claire et certaine chez Erwin de reconnaître son attrait pour Livaï Ackerman. Attrait qu’une partie de son esprit continuait de repousser avec violence.

 

Il se releva à son tour, péniblement, et s’accorda à mettre ces pensées inhabituelles sur le compte de l’alcool et des coups reçus ce soir-là.

 

 

Il rentra seul à la base sans adresser un mot supplémentaire à ses collègues. 

 

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